
La déconnexion des élites
Je viens de terminer La déconnexion des élites de Laure Bellot. Il m’a été offert l’année dernière et j’aurais mis un an pour me lancer et quelques semaines pour le lire. Je ne suis pas un grand lecteur d’essai et j’en lis très peu sur le numérique, domaine que je connais de mieux en mieux comme praticien. Il s’agit d’une passionnante enquête que la journaliste a initié dans le journal Le Monde en 2013. Le livre n’est pas encore trop daté, les initiatives et les références s’arrêtent au printemps 2014. Il s’adresse sans doute en premier lieu aux « élites » en place : politiques et économiques et vise à être un révélateur de la tendance de fond qui bouleverse le monde à très grande vitesse. Internet dérange l’ordre établi et comme le dit très bien Laure Bellot dans cette vidéo, le range dans un ordre nouveau et très différent. Les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) constituent un nouvel ordre mondial qui concentre un pouvoir économique et stratégique titanesque qui fait trembler les anciens géants du XXe siècle condamnés à se transformer ou disparaître.
Laure Bellot part du constat effrayant qu’en 2013, lorsqu’elle commence son enquête, elle a de grandes difficultés à mobiliser des experts de renom sur le phénomène que constitue le site Le bon coin. Tout simplement parce que la plupart ne connaissent tout simplement pas le site, qui est pourtant un des tout premiers sites de France en matière de fréquentation. Une France créative, collaborative et pourtant « invisible ». Le fil de l’enquête continu avec les phénomène des « DOERS » qui apprennent et qui font en dehors des écoles classiques. Puis les banquiers qui se font doubler par la foule avec l’apparition de sites qui prêtent de l’argent dans un système collaboratif (crowdfunding). Des initiatives qui dépoussièrent la vie politique et la démocratie. Les start-up qui secouent les institutions françaises. Les miracles attendus du BIG DATA et surtout, ce qui m’a paru le plus important, ces nouvelles élites qui viennent remplacer les anciennes. Les travers de l’homme qui dévoient les principes égalitaires et libertaires de l’Internet des premiers temps pour concentrer les flux de données et finalement le pouvoir (la toute puissance de Google). Internet se développe organiquement en échappant a projet de ses créateurs et en prenant des chemins de traverse. Aujourd’hui, une poignée d’entreprises se partage la majeure partie des usages numériques, constituant des monopoles d’une ampleur inédite. Le livre se termine sur une invitation à penser la suite, penser à l’échelle du monde, penser à l’échelle d’un espace qui se réduit aussi vite que le temps d’analyser l’information. Penser au droit de l’homme qui se numérise chaque jour davantage.